Une institution est un ensemble d'êtres humains réunis dans un but commun. Elle est inscrite dans le temps, se veut stable grâce à des règles d'interaction sociale établies. Elle est construite à partir de normes, d'attentes, de directions.
Nous nous intéresserons ici aux institutions médico-sociales accueillant des jeunes en souffrance.
Comment leur offrir la meilleure des institutions possible !
Une institution est tout comme un être vivant toujours en évolution, il peut s'agir d'exigence externes ou internes, d'ajustements, de réajustement...
Toujours l'être humain se modifie, il grandit, change individuellement, collectivement. Il en est de même pour une institution, elle s'adapte, mute, se transforme. Elle vise mieux, plus économique, plus pertinent. Elle traverse des crises, vit des deuils.
Une institution peut se transformer à différents niveaux :
-humain, départ d'un chef, retraite d'un salarié...
-structurel, les cadres financiers, économiques qui bougent, fusion ...
-fonctionnel, le lien aux partenaires qui se modifient, se complexifient par exemple
-matériel, changement de locaux, d'outils informatique .. .
Tous ces changements provoquent des crises, plus ou moins fortes. Il y a un avant et un après. La perte d'un modèle précédent, d'une figure, d'une façon de faire.
Il y a bien perte et c'est en cela que nous avions envie de vous parler également de cette dimension du deuil dans tout changement institutionnel.
Des traversées sont à faire, des passages à inventer. Existe il des rituels dans une institution, dont nous avons vu l'importance ? Des réunions ? Lesquelles ? Des écrits peut être ? Nous y reviendrons.
Donc si nous changeons c'est à priori pour le mieux, alors pourquoi parle ton si souvent de résistances aux changements dans les organisation ?De crises qui font souffrir ?
Les raisons sont bien évidemment multiples.
Le travail pour celui qui le mène est le résultat déjà en lui même d'un processus.
Un ébéniste par exemple, lorsqu'il travaille le bois se heurte à ses différentes duretés, il résiste à ses coups, alors notre ébéniste va d'abord s'irriter, se décourager, puis s'accrocher et enfin trouver une solution, c'est ce que Christophe Dejours psychanalyste spécialiste des dynamiques au travail définit justement comme « le travail » ça résiste j'insiste et j'invente, dans le même temps,je m'enrichis j'invente mes ficelles du métier, j'augmente ma subjectivité : quand je travaille je suis affectivement impliqué.
Alors quand je dois changer ma façon de faire individuellement ou collectivement, c'est encore un processus, je dois faire le deuil de ma façon de faire jusque là.
Nous pouvons penser à l'éducation, avant une maman éduquait un enfant sans lui laisser la parole, à la baguette parfois, puis l'institution, la société d'ailleurs plus généralement lui demande de modifier sa pratique . Et bien ça résiste !
Comment dès lors induire un changement qui ne soit pas violence et qui permet de ne pas être dans une adhésion de surface ?
Nous pensons qu'il est très important de bien entendre que comme lors d'un deuil, il faut du temps et des espaces.
Du temps d'abord car nous n'avançons pas tous au même rythme, je pense à une institution comme une famille, un couple vient en thérapie car peut être vont ils se séparer. A la suite d'un grave incident, sinistre lié à un dégats des eaux, ces commerçant ont tout perdu. Mais, avec le secours de leur proche et des assurances, ils ont remonté un commerce. Cependant, si Mme investit pleinement ce nouveau environnement de travail, Mr n'y arrive pas. Il est encore en deuil de l'ancien, il ne parvient pas à se sortir de cette perte et à investir les lieux. Ils sont en décalage, se disputent sans cesse, ils ont cru un temps que eux seuls pouvaient se comprendre face à la catastrophe, ça les a aidé un temps mais aujourd'hui, ils sont en difficultés, ils ont besoin de penser ces transformations en terme de différences relatif à l'attachement de chacun à l'ancien outil de travail mais aussi au temps nécessaire pour chacun et nous le voyons souvent différent de faire le chemin du deuil.
Nous l'entendons là, les temps du deuil sont toujours vécus dans des temporalités différentes, il n'y a pas un même timing pour tous !
Dans une institution, lorsqu'une équipe dirigeante pense des changements d'orientation, d'organisation, elle travaille parfois longuement en amont, fait appel à des experts, s'appuie sur des spécialistes pour inventer de nouvelles procédures. Chemin faisant, elle fait ce travail de transformation nécessaire au deuil, elle réfléchit où en est l'institution, d'où elle est partie et vers où elle souhaite l'orienter.
Mais, parfois, lors de la présentation des nouveaux projets aux équipes, alors même que bien souvent les dirigeants ont pris la peine et le temps d'expliquer à leurs équipes en amont : parfois ça coince et ça les surprend !
Il ne faut pas négliger ces décalages, les dirigeants ont, lors des élaborations pour faire naître les nouveaux projets, eut le temps de vivre ce passage de l'avant à l'après, pas leur équipes.
Elles peuvent être d'accord d'ailleurs mais décaler affectivement . Chacun a besoin de se réinventer individuellement dans son travail, de se réajuster soi même, ça prend du temps.
Nous parlions d'espaces également, car ils sont nécessaire pour que chacun partage, mette en commun des idées, s'exprime, hésite, doute, écoute, avance.
Pour cela, il faut des lieux pour poser, déposer en sécurité .
La question de la hiérarchie se pose, quand la voie est indiquée par les aînés, les dirigeants comment y prendre place, faire sien, se laisser transformer, ne pas craindre.
Cette dimension de la peur est très importante bien sûr vers quoi veut-on que j'aille, pour quelle raison, quel gain ? Si j'accepte de perdre nous avons vu que tout changement inclue cette dimension, je dois penser que je vais vers un ailleurs positif.
Les moyens sont toujours à interroger, faire mieux à moyen constant dit on dans nos institutions en France, ce qui convoque toujours frustration dans un premier temps : nous sommes déjà débordés et on nous demande encore plus, nous sommes dans l'urgence et il faut faire plus et mieux, difficile pour des équipes de se mobiliser, les résistances sont là.
Des espaces sont là encore nécessaire, ils permettent de prendre le temps de penser, de faire l'expérience que le changement, la vie nous apprend que penser fait du bien, que ces changements imposés sont dans un premier temps difficile, de l'ordre du encore plus mais, que des espaces pour penser ensemble, créent du collectif qui parfois disparaît quand on est pris par l'urgence, cela redonne du sens à nos actions, nous remet dans des dynamiques collectives.
La loyauté enfin est une dimension importante : sommes nous dans la filiation ?
Quelles transformations peut on se permettre sans trahir, c'est toujours une histoire qui s'écrit, et nous le savons toute histoire comporte des épreuves, des échecs, des réussites, des inventions.
Il est indispensable pour toute équipe dirigeante qui souhaite introduire des changements dans une institution de permettre de vivre ces espaces, ces temps différents, où pensées et expériences se nouent.